In januari 1947 landde Simone de Beauvoir (1908-1986) op La Guardia Airport New York voor een viermaandelijks bezoek aan de States.
Ze reisde van de Oost- naar de Westkust met de trein, auto, en zelfs met een Greyhound-bus. Ze vertelde haar belevenissen in haar persoonlijk dagboek. ‘L’ Amerique au jour le jour.’
Ze verbleef er 116 dagen, reisde door 19 staten en bezocht 49 steden.
‘Sous les Etoiles’ Gallery, 100 Crosby street 603 NY, presenteert nu ‘1947, Simone de Beauvoir in America’, a photographic journey inspired by her diary ‘L’ Amerique au jour le jour’ (eerste editie verscheen in 1954, volgens de Amerikanen in 1948 en in de USA in …1999, naar een eerste vertaling in het Engels in 1952 in Groot Brittannië gepubliceerd.)
Vertelde de Beauvoir al erg fotografisch, ‘Sous les Etoiles’ verzamelde een aantal fotografen uit dat tijdperk.
Much of the photographers were street photographers working often for publications like Life Magazine, Ted Croner with his haunting night photography, Louis Faurer and his double exposure, Ferenc Berko giving an abstract geometry to Chicago, Wayne Miller and his daily life series about the black community in Chicago, Esther Bubley with her Bus Series… This exhibition includes also the works by Ansel Adams, Henri Cartier-Bresson, Morris Engel, William Gottlieb, Sid Grossman, Sy Kattelson, Saul Leiter, Rebecca Lepkoff, Fred Lyon, Wayne Miller, Gjon Mili, Ruth Orkin, Arnold Roth, Art Shay, Fred Stein, Tony Vaccaro, Todd Webb, Brett Weston, Ida Wyman, and Max Yavno.
‘J’ai passé quatre mois en Amérique : c’est peu ; en outre j’ai voyagé pour mon plaisir et au hasard des occasions ; il y a d’immenses zones du nouveau monde sur lesquelles je n’ai pas eu la moindre échappée ; en particulier, j’ai traversé ce grand pays industriel sans visiter ses usines, sans voir ses réalisations techniques, sans entrer en contact avec la classe ouvrière. Je n’ai pas pénétré non plus dans les hautes sphères où s’élaborent la politique et l’économie des U.S.A. Cependant, il ne me paraît pas inutile, à côté des grands tableaux en pied que de plus compétents ont tracés, de raconter au jour le jour comment l’Amérique s’est dévoilée à une conscience : la mienne.’
In een boeiend en diepgravend artikel ‘Entre histoire collective et histoire personelle, texte et contexte de l’ Amerique au jour le jour 1947 de Simone de Beauvoir’ beschrijft Sylvie Mathé enkele aspecten van deze reis in ‘Revue Française d’ études Americaines, 2011/1 (n° 127)
Ik citeer enkele van haar bevindingen en plaats ze bij de foto’s.
Dans l’éventail des explorateurs français du xxe siècle qui nous ont légué le récit de leurs voyages dans le Nouveau Monde, Simone de Beauvoir se situe dans une via media entre Georges Duhamel, grand pourfendeur du matérialisme et du « machinisme », dont le cinglant Scènes de la vie future (1930) est un monument d’américanophobie, et Jacques Maritain dont les Réflexions sur l’Amérique (1958) sont au contraire un éloge vibrant du « mirage américain ». L’Amérique au jour le jour 1947 de Simone de Beauvoir oscille en effet entre enchantement et désenchantement, entre fascination et dénonciation, bref entre les deux pôles qui, depuis la découverte du Nouveau Monde, n’ont cessé de s’opposer dans la littérature de voyage ou la vision littéraire de l’Amérique : l’Amérique comme Eldorado, ou l’Amérique comme bouc émissaire responsable de tous les maux du vieux continent Bel exemple de cette « fascination réticente » dont parle Jacques Portes, le récit de Beauvoir ne saurait toutefois se réduire à une énième variation sur la sempiternelle ambivalence du regard français sur l’Amérique. AJJ participe en effet de ce que Philippe Roger appelle « un bloc sémiotique historiquement stratifié » (19) – et, pourrait-on ajouter, affectivement stratifié –, reflétant une double postulation entre deux formes d’engagement, idéologique et subjectif, politique et privé.
‘Ils connaissent, ils réprouvent l’oppression de treize millions de noirs, la terrible misère du Sud, la misère presque aussi désespérée qui souille les grandes villes. Ils assistent à la montée chaque jour plus menaçante du racisme, de la réaction à la naissance d’un fascisme. Ils savent quelle est la responsabilité de leur pays dans l’avenir du monde. Mais eux-mêmes ne se sentent responsables de rien, parce qu’ils ne croient pas pouvoir rien faire en ce monde.’
(AJJ 134-5)
Quant aux jeunes filles de Vassar, de Smith et de Wellesley, elles lui offrent l’image d’une féminité sexuellement émancipée et intellectuellement lucide; et pourtant, elles sont socialement condamnées à devenir ces Moms dont parle Philip Wylie dans son célèbre Generation of Vipers. Beauvoir, ici encore, livre une réflexion existentialiste sur la situation de la femme américaine. Elle n’a pas trouvé en Amérique la liberté à laquelle elle s’attendait: « Je m’étais imaginé que les femmes d’ici m’étonneraient par leur indépendance: femme américaine, femme libre; ces mots me semblaient synonymes » (453). Or elle découvre que l’affirmation d’indépendance est, de nouveau, purement abstraite: la femme idole est en fait asservie, et sa vie se résume à piéger l’homme à son tour pour le maintenir sous sa loi (454).
Femme mystifiée et mâle dominant: Beauvoir se méfie ainsi de « l’égalité dans la différence » que les relations entre hommes et femmes mettent en scène, les hommes dans leurs clubs et les femmes dans les leurs, mais sans véritable amitié ou compagnonnage: « elles n’apparaissent ni comme des amantes, ni des amies, ni des compagnes » (458). La liberté sexuelle relève davantage d’une forme d’hygiène que d’intimité. Les rapports masculin-féminin s’expriment en termes de lutte de pouvoir et de combats douteux, faits « de menues vexations, de menues disputes et de menus triomphes » (ibid.). Quant aux hommes, « piètres amants […] et pauvres parleurs » (457), ils ne trouvent guère grâce à ses yeux, à l’exception bien sûr de Nelson Algren.
Ce qui caractérise le regard de Beauvoir dans AJJ, c’est finalement une position critique animée du désir de comprendre, de rendre compte, d’expliquer, mais aussi de lever le voile ou de briser la vitre pour dénoncer les mystifications du système et les trois fléaux qui ont pour nom « le capitalisme américain, le racisme, le moralisme puritain » (76). L’image qui conclut l’ouvrage, celle de l’Amérique comme « champ de bataille », est à la fois le point d’orgue du récit et la signature politique de l’écrivain: « aimer l’Amérique, ne pas l’aimer: ces mots n’ont pas de sens. Elle est un champ de bataille et on ne peut que se passionner pour le combat qu’elle livre en elle-même et dont l’enjeu récuse toute mesure » (535). À l’aube de la Guerre froide, la « Fiction » de Beauvoir dans AJJ jette ainsi un éclairage singulier, à la fois personnel et militant, sur les enjeux de ce combat, et sur une page de l’histoire de l’intelligentsia française et de son engagement idéologique dans une ère marquée par les interrogations et les contradictions.
Un signe plus secret m’annonce que je commence vraiment à participer à l’Amérique: je n’en suis plus éblouie, ni déçue; j’apprends, comme certains de ses enfants, à l’aimer douloureusement.
(12 avril, 376)
https://www.cairn.info/revue-francaise-d-etudes-americaines-2011-1-page-47.htm
Ainsi l’Amérique, pour nous, c’était d’abord, sur un fond de voix rauques et de rythmes brisés, une sarabande d’images: les transes et les danses des noirs d’Hallelujah, des buildings dressés contre le ciel, des prisons en révolte, des hauts fourneaux, des grèves, de longues jambes soyeuses, des locomotives, des avions, des chevaux sauvages, des rodéos. Quand nous nous détournions de ce bric-à-brac, nous pensions à l’Amérique comme au pays où triomphait le plus odieusement l’oppression capitaliste; nous détestions en elle l’exploitation, le chômage, le racisme, les lynchages.
(Force de l’âge 146)